Coupe à décor de vague

Elle fut acquise par Ernest Grandidier sur le marché parisien, chez le marchand d’art japonais et chinois Samuel Bing pour la somme de 400 francs de l’époque, somme non négligeable pour une pièce somme toute de petite dimension. On peut imaginer que le marchand – dont le magasin parisien prendra en 1895 le nom de Maison de l’art nouveau – comme le collectionneur, furent sensibles à l’impression de perfection et de modernité qui se dégage de la ligne et du décor d’une forme produite en Chine quelque 150 ans plus tôt.

La beauté de la coupe tient également à l’impact visuel du contraste entre la blancheur du motif de vague et l’éclat du fond rouge corail. Traité en réserve probablement à l’aide d’un pochoir, dans un mouvement à la fois vif et libre, le dessin de la vague recèle une subtilité supplémentaire: un réseau de vaguelettes traité selon la technique dite du "décor secret", qui s’obtient par une incision à peine visible dans la pâte avant cuisson. Ce "décor secret" est la marque d’un goût pour une beauté qui ne se révèle qu’à l’œil attentif du connaisseur, goût propre à la tradition lettrée.

La nuance orangée de l’émail a été obtenue par le mélange de nitrate de potassium ajouté comme fondant à l’oxyde de fer servant de base. Ce rouge corail est un élément de datation important. Il apparaît à Jingdezhen au début du 18^ème siècle. La manufacture impériale est alors au plus haut en termes de qualité. Depuis sa relance sous Kangxi (1661-1722), stimulés par l’intérêt et la protection des souverains mandchous, de grands directeurs s’y succèdent dont Nien Xiyao, de 1726 à 1736. Il est lui-même céramiste et connu pour avoir travaillé à des recherches sur la perspective avec Guiseppe Castiglione (1688-1766), peintre jésuite appelé à la Cour de Chine. Dans un tel contexte d’émulation, les recherches de couleurs et de décor comme la parfaite maîtrise des matières feront sortir des fours impériaux le meilleur de la production de la période.