Encore qu’on ne puisse l’affirmer, faute de preuves épigraphiques, il pourrait s’agir de l’un de ses avatara (« descente » en sanskrit) : Hayagriva (« Celui qui a un cou de cheval ») ou encore Kalki (un nom difficile à traduire, mais qui évoque l’idée de destruction du mal).
En tant qu’ Hayagriva, Vishnu terrassa deux démons qui tentaient de dérober les Veda, privant ainsi la création de ses fondements religieux ; et sous les traits de Kalki – une incarnation non encore advenue – Vishnu se manifestera à la fin de l’Âge cosmique dans lequel nous nous trouvons afin de détruire les mondes pour en restaurer la pureté et relancer le processus de création sur de saines bases spirituelles.
La curieuse association d’une tête de cheval et d’un corps d’homme, expression irréelle mais convaincante du caractère hors norme du principe divin, confère à cette sculpture une force particulière.
Découverte sur le site préangkorien de Sambor Prei Kuk, cette œuvre du règne de Rajendravarman (944-967) atteste la pérennité des fondations religieuses de l’ancien Cambodge, dans lesquelles de nombreuses images ont été consacrées au fil des siècles.
Le traitement quelque peu irrégulier des plis du costume contraste ici de manière saisissante avec la perfection du modelé de la tête et du torse. L’aspect décoratif du style de Pre Rup transparaît ici dans la facture très refouillée du diadème et du couvre-chignon, ainsi que dans le curieux détail des oreilles semblables à de petites feuilles recroquevillées.