Le climat chaud et humide de la plus grande partie du sous-continent indien a été peu propice à la conservation des ivoires. Longtemps, la plus ancienne sculpture indienne en ivoire connue a été une petite figurine (élément de mobilier ou manche de miroir) découverte… enfouie à Pompéi par l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C. ! Elle provient certainement des mêmes ateliers que les ivoires découverts en Afghanistan dans le fameux "trésor de Begram". Ces œuvres attestent donc des échanges commerciaux entre l’Inde et le bassin méditerranéen, aux 1er-2ème siècles de notre ère.
C’est dire si la découverte du "trésor de Begram" a été exceptionnelle. Depuis 1936, la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) dirigée par Joseph Hackin fouillait cette ville censée avoir été fondée par Alexandre le Grand. En 1937, puis en 1939, Ria Hackin tomba sur deux "caches", dont la finalité reste discutée, rassemblant un ensemble hétéroclite d’objets précieux venant de toutes parts du monde antique : des bronzes et des médaillons en plâtre gréco-romains, des verres d’Alexandrie et de la côte levantine (certains en forme de poisson, un autre représentant le célèbre phare), des laques de Chine… et des ivoires indiens ! Ces derniers, qui ornaient des mobiliers en bois sur lesquels ils étaient fixés par des clous, évoquent la richesse, le luxe et une volupté certaine des cours indiennes des premiers siècles de notre ère.
Au débouché de l’Hindou-Kouch, Begram s’avère ainsi avoir été une étape importante sur une des routes de la Soie traversant l’Eurasie. Conformément à l’accord signé en 1922 entre la France et l’Afghanistan, le trésor a été partagé à part égale entre le musée Guimet et le musée national d’Afghanistan à Kaboul, ce dernier conservant les œuvres uniques et exceptionnelles, comme les grands ivoires représentant des divinités fluviales en ronde bosse.