Ces xylogravures – véritablement polychromes alors que ses prédécesseurs avaient dû se limiter à l’emploi de deux ou trois couleurs – furent dénommées dès lors Azuma nishiki-e, "images de brocart d’Azuma" (la capitale de l’Est), ou plus brièvement nishiki-e, se référant au chatoiement des étoffes multicolores tissées à Kyoto.
Si la maîtrise de cette technique de la xylogravure polychrome fut en réalité une conquête progressive de plusieurs maîtres de l’estampe, soutenus par des cercles littéraires d’avant-garde, des éditeurs audacieux et des artisans, graveurs et imprimeurs d’immense talent, il n’en reste pas moins que le nom d’Harunobu est le plus fréquemment associé à cette apparition. Il est de fait le créateur de plus de mille cent motifs, adoptant pour la plupart un format spécifique et nouveau, le chuban (environ 29 x 22 cm), et l’initiateur d’un nombre important d’images de calendrier (egoyomi), créées en lien étroit avec des cercles de poètes de haiku commanditaires.
De ce foisonnement créatif, qui pose subtilement entre 1765 et 1770 une culture littéraire classique comme clé majeure de compréhension d’une large part de l’ukiyo-e, le musée Guimet conserve d’excellents tirages, susceptibles d’illustrer diverses facettes de l’art de Harunobu. Des premières images de calendriers créées pour le Nouvel An lunaire de 1765, aux illustrations symboliques et parfois parodiques d’anthologies poétiques célèbres ou de personnages de la mythologie chinoise autant que japonaise, le peintre est l’auteur d’un style graphique d’une subtilité unique, servi par une palette colorée délicate et des procédés d’impression sophistiqués. Les mêmes recherches raffinées sont observées au cœur de scènes de genre plus anodines, issues du quotidien du quartier de Yoshiwara, ou de la description de moments suspendus à Edo.