Le paysage dépeint une large rivière s’épanchant d’une extrémité à l’autre des paravents entre des berges doucement vallonnées. Ce paravent présente l’un de ces "lieux célèbres" ou meishoillustrés depuis l’époque Heian.
La roue à eau, les nasses de pêcheurs, et les flots argentés de la rivière permettent l’identification de la rivière d’Uji. Une série d’éventails, emportés par le courant de la rivière, ponctuent le dessin régulier des vagues successives et contrastent, par la vivacité et l’opacité de leur coloris, avec les tonalités assourdies de la poudre d’argent oxydée. Par les concours de composition poétique qu’ils évoquent, et les décors autonomes qu’ils présentent, ils suggèrent le climat littéraire de l’époque Heian. La rareté de cette association thématique ajoute au caractère exceptionnel de ces paravents. L’ampleur de la composition sur fond de feuilles d’or, à la puissance mêlée de somptuosité, est caractéristique du style pictural qui s’imposa au cours de l’époque Momoyama (1573-1603) et au début de l’époque d’Edo (1603-1868).
De tels paravents sont à partir du 16ème siècle parmi les supports favoris de la peinture japonaise. Conçus traditionnellement par paire, ils cloisonnaient les espaces intérieurs tout en apparaissant comme de véritables créations picturales, exprimant souvent la quintessence de l’esthétique d’une époque.
Ici, le contraste entre une composition simple et la peinture minutieuse de chaque éventail annonce un vocabulaire novateur propre aux temps modernes d’Edo et permet de situer assez précisément cette œuvre dans le temps. Elle semble en effet suivre de peu l’épanouissement du style de Sôtatsu des années 1620-1640. Cette œuvre passéiste autant que novatrice transcende la nostalgie des citations littéraires omniprésentes par la vitalité de l’interprétation stylistique, et porte en elle une large part de la modernité des 17ème et 18ème siècles.