Min Jung-Yeon vient de la République de Corée. De façon symptomatique, Our long summer in the rain ("notre long été sous la pluie") est un titre que l’on peut prendre au sens premier du terme – la saison des pluies en juillet -, ou au sens figurée – la libération de la péninsule de l’annexion japonaise qui se perd dans les larmes, sur fond de partitions et de coups d’état militaire, ponctués par la violence, la torture, la censure politique. Le pays a changé depuis les Jeux Olympiques, en 1988, mais la mélancolie, tout comme la nostalgie, reste toujours la même.
Originaire du Cholla, elle est née en 1979, un an avant le soulèvement de la ville de Kwangju, brutalement réprimé au temps de Chun Doo-hwan, sous les années de fer du régime militaire, qu’évoquait la nouvelle de Choe Yun, parue chez Actes Sud, là-bas sans bruit, tombe un pétale . Min Jung-yeon connait donc une double déchirure, celle de venir d’un pays divisé où la paix s’appuie sur un simple cesser - le-feu ; celle de venir aussi d’une ville traumatisée qui, même après près de 30 ans, n’en finit pas de penser au passé, à ses morts qui se comptent par centaines et à ses disparus.
Cette double meurtrissure dans son jeu de lignes régulières quasiment métallique, cette alliance de l’encre et du crayon rehaussée d’aquarelle qui décline une harmonie délicate et très froide de gris ou bien de noir, que ponctue simplement une note de rouge tout au bas du tableau, comme une tache de sang sont autant de suggestions de l’inconscient.
La démarche de Min Jung-yeon est singulière, elle privilégie le dessin et l’épure, même si ses tous premiers travaux évoquaient curieusement avec ses formes molles, au côté organique, un monde surréaliste aux accents oniriques, pourtant peu repris en Corée, voire l’atmosphère développée par Salvador Dali.