Cette tête de bodhisattva encadrée d’une coiffure à longues mèches étirées au "naturalisme décoratif" est surmontée d’une tiare composée de trois médaillons à bordures emperlées : deux à motifs en rosaces de fleurs de lotus et un présentant un décor floral évoquant certains motifs des auréoles de style indien Gupta. L’usage des moules, hérité du Gandhara, permet d’ajouter des coiffures et ornements qui distinguent les personnages. Néanmoins, ces figures étaient parachevées à la main.
Les éléments de ce visage caractéristiques d’une période tardive, procèdent d’une stylisation plus élaborée qu’aux périodes précédentes, accentuant l’ovale pur presque circulaire, l’arête du nez est également plus anguleuse et marquée, les globes oculaires plus saillants tandis que les arcades sourcilières s’estompent plus rapidement sur le front. La bouche, savamment modelée, s’est amenuisée, mais conserve l’expression d’un demi-sourire extatique fidèle à l’iconographie du personnage. Appelé à une grande fortune en Asie centrale, ce nouveau style montre un moindre souci de vérité anatomique, au profit d’un formalisme plastique propre à rendre le plus expressivement le visage idéalisé d’un bodhisattva.
Cette pièce provient du monastère de Toqquz-sarai au Xinjiang, le plus important complexe bouddhique du royaume de Kucha sur la route nord des routes de la Soie. Par ces voies commerciales, les missionnaires avaient entrepris, dès le premier siècle de notre ère, la conversion des peuples indo-européens du Bassin du Tarim, apportant avec eux l’art gandharien. On peut penser que ce type de tête de bodhisattva participait d’un groupe de statues cultuelles, composé de deux bodhisattvas encadrant un bouddha, dont la tête fut retrouvée. Les vestiges de trois socles accréditent la thèse de la présence d’une telle triade.