Les yeux mi-clos et baissés sont révélateurs d’un personnage plongé dans une profonde méditation. Une incrustation de pierre précieuse ou semi-précieuse, aujourd’hui disparue, ornait le front du Bouddha comme la figuration de l’urna, boule révélant sa qualité supérieure. La plastique du visage, plus longiligne que les images contemporaines de l’Inde centrale, et surtout le traitement de la chevelure avec son chignon formé de mèches ondulantes couvrant la protubérance crânienne (ou ushnisha) du Bouddha, autre signe distinctif, pourraient évoquer une sculpture grecque, si ce n’était le traitement très graphique et acéré de l’arcade sourcilière.
Durant les premiers siècles de l’art bouddhique, le Bouddha n’est généralement pas représenté sous des traits humains mais sa présence, aniconique, est marquée par des symboles (arbre de l’Éveil, roue de la Loi, trône vide, etc.). C’est au tournant de notre ère, du fait d’un développement de la sensibilité dévotionnelle qui touche tous les courants religieux indiens, qu’apparaissent les premières images humaines du Bouddha, sous le règne des souverains kouchans. Cette dynastie d’origine steppique domine un vaste empire s’étendant de l’Asie centrale à la vallée du Gange. Deux grandes écoles de sculpture, quasiment contemporaines, s’y épanouissent : Mathura au sud, relevant d’une esthétique typiquement indienne, et le Gandhara, dans la vallée de Peshawar, plus marquée par l’hellénisme, du fait de l’installation dans cette région de descendants des généraux d’Alexandre le Grand.