Le troisième œil frontal, le diadème constitué de cobras entrelacés auxquels se superposent des crânes, le discret croissant de lune apparaissant dans la chevelure, les crocs, les yeux exorbités, sont autant d’éléments iconographiques permettant d’identifier cette impressionnante image comme une représentation de Bhairava, "le Terrible", l’une des manifestations farouches du dieu hindou Shiva. Au centre du diadème, juste au-dessus du troisième œil, c’est la tête d’apparence sereine du dieu qui apparaît, dans une relation à la face courroucée exprimant le fait que celle-ci procède de celle-là.
Cette œuvre participe d’un dispositif particulier dont l’usage est lié à certaines fêtes importantes dans la vallée de Kathmandou. Qu’ils soient réalisés en bois, en terre-cuite ou, comme ici, en cuivre martelé et repoussé, de tels masques sont disposés devant une jarre où ils jouent le rôle d’un monumental bec verseur historié. Le liquide contenu dans la jarre, une bière locale représentant l’offrande de Bhairava aux habitants de la vallée, s’écoule par un conduit situé dans la bouche entrouverte du dieu. Lors de la fête d’Indra, qui se déroule sur plusieurs jours à la fin de la mousson, à la pleine lune de septembre, les fidèles, tant hindous que bouddhistes, consomment avec ferveur le breuvage divin et quelque peu enivrant au cours d’une semaine de cérémonies débordantes de joie et de vie, célébrant la vie fécondante et la prospérité.